Repetition
EVERYTHING HAS BEEN SAID
BUT MUST BE CEASELESSLY REPEATED
like breathing
so by repeating
by twisting the pen
'the scales fall’
and the air coming through the open window
shakes the house like a sheet
we don’t see the other stars
there’s nothing but this huge lid of glass
this cloud-blurred eye
we’re firmly on the ground
moored by the wind
the cables on the cliff
the world unfolding
the road and the raven
the day
warming
the rim
of the eye
‘A cow that coughs in the fog …’
A cow that coughs in the fog, frightening noise.
Got up today at dawn.
The door panel, white. The dull glow reaches the beams along the ceiling one by one. I wake up completely. The white cloth, lit up on the backrest. Day reaches the rumpled sheets. Corners. I pull back the curtain a bit: a huge pale knife pushes back the black piled-up clouds, the sky paved with waves, — birth of blue. A thin blade of fire cuts into the edge between the partition of hills and the wall of clouds. A few black stains like ink stand out against this sliver — trees. The earth comes unstuck. Shifting of the rails. The hour when the spheres that interlock come loose. The suture is visible. The weld. Hour eternally burned by sleep, blind spot on the human eye.
I open the door. That strange dull glow, matte blind whiteness reaches the doorstep. It must be said there aren’t any shouts. I want to see the sun’s hinging point as it climbs to the right of the house.
Cliff — tears almost come to my eyes before this little valve of fire peeking over the earth that Reverdy must have seen so frequently. “The most moving spectacle offered by Nature” — Rule of fire. I walk straight on into the muffled head. Stealthily as a wolf. Fear of being eaten up by dogs. But I don’t hear any barking. The sky is pricked by the calls of unseen birds. Calls of birds in the dew. Wet espadrilles . On the way back, a cow coughs. This isn’t reality’s light. This flame devours the sky, without crackling. It advances like a glider. You’d say we’ve left the earth. The sleepwalking earth. Because of this complete numbness so utterly lost in the brutal day during which I now write. The glow that scarcely filters from the ground, and the white stones of the path. You could see a shining point, a car rolling at the end of the earth, the far edge of the plain. When the earth becomes like wool — with several threads ablaze. Perhaps this is how it becomes easier to assimilate, cleaving better to the head. When there aren’t any flies, any heat. When it is muffled. Before the earth sizzles. Man removed. Who at this hour is usually sleeping.
Three wispy clouds were floating over the Seine, much farther down. I wanted to die, before getting up. I couldn’t bear the idea of starting the day all over again. But you have to live to see the dawn — the earth unsealed.
I sat on a rock usually crushed by the light. Rock drenched with dawn. Stained by these smears of orange fire that spattered the horizon. Lichen still visible in the light, like those sea-plants, clinging to the rocks, that wait for the tide so they can bloom. A field of clouds stuck to the same rock, black and white discs entangled, harshly run aground like these piles of cobbled clouds, harshly packed together, crushed against each other, very low. The low ceiling of the sky. The sky’s bark that splits. The rock glittered astoundingly. Like a block of sky. Riddled with orange lichen. In the village, at the outset. Reverdy’s stones
rock-face collapsed. Hard blind deaf wall below the bowl of fire, mute, below dawn’s great cup of water.
The reddened plowshare that tills the earth.
Sharp light of the first lamp deep within the village
in the middle of the rooftops.
Waltz / Marine
Strings dying in the wind
the ocean-waltz
unchains itself in the schemes
and eddies of the wind
At the edge of the harbor a man gestures
like a broken propeller
The vast space is upended
and brushes past us
everything begins again
*
Waters where you settle like a lemon in a mirror. Sham familiar faces awkwardly capsize, break and crisscross in sour, sweet, sour spray that you escape by sliding into a wave teeming with threads and beveled fins toward the land of shellfish.
Répétition
TOUT A ÉTÉ DIT
MAIS IL FAUT SANS CESSE LE RÉPETÉR
comme on respire
alors en le répétant
en tordant la plume
‘les taies tombent’
et l’air qui entre par la fenêtre ouverte
remue la maison comme un drap
on ne voit pas les autres étoiles
il n’y a que ce grand couvercle de verre
cet œil brouillé de nuages
on est bien à terre
amarré par le vent
les câbles du versant
le monde qui se déroule
la route et le corbeau
le jour
chauffant
le pourtour
de l’œil
« Une vache qui tousse dans la brume … »
Une vache qui tousse dans la brume, bruit effrayant.
Levé aujourd'hui à l'aurore.
Le battant blanc. La lueur sourde gagne une à une les poutres du plafond. Je me réveille tout à fait. L’étoffe blanche allumée sur le dossier. Le jour gagne les draps défaits. Encoignures. Je tire un peu le rideau : un grand coutelas livide refoule les nuages noirs et tassés, le ciel pavé de vagues,— naissance du bleu. Une fine laine de feu s'insère à l'extrémité entre la paroi des collines et le mur des nuages. Quelques taches noires comme de l'encre se détachent sur cette lamelle — arbres. La terre décolle. Changement d'aiguillage. L'heure où les sphères qui s'emboîtent se descellent. La ligne de suture est visible. La soudure. Heure éternellement brûlée par le sommeil, taie de l'homme.
J'ouvre la porte. Cette étrange lueur sourde, blancheur aveugle, sans éclat, gagne le pas de la porte. Il faut dire qu'il n’y a pas de cris. Je veux voir le point d'attache du soleil qui monte à droite de la maison.
Falaise —les larmes me viennent presque aux yeux devant cette petite valve de feu passant la terre qu'a dû si souvent voir Reverdy. « Le spectacle le plus émouvant qu'offre la Nature » — Règle de feu. Je marche droit dans la tête sourde. Marche à pas de loup. Peur d'être dévoré par les chiens. Mais je n'entends aucun aboiement. Le ciel est piqué de cris d'oiseaux invisibles. Cris des oiseaux dans la rosée. Espadrilles mouillées. Au retour, une vache tousse. Ce n'est pas la lumière de la réalité. Ce brasier dévore le ciel, sans crépiter. Il s'avance comme un planeur. On dirait qu'on est sorti de la terre. La terre somnambule. En raison de cet engourdissement total si bien perdu dans le jour brutal où j'écris maintenant. La lueur qui filtre à peine du sol, et les pierres blanches du chemin. On voyait un point lumineux, le roulement d'une voiture à l'autre bout du monde, à l'extrémité de la plaine. Quand la terre devient comme de la laine — dont quelques brins flambent. Peut-être devient-elle ainsi plus assimilable, colle-t-elle mieux à la tête. Quand il n’y a pas de mouches, pas de chaleur. Quand elle est sourde. Avant que la terre ne grésille. L'homme ôté. Qui à cette heure habituellement dort.
Trois nuages vaporeux flottaient au-dessus de la Seine, bien plus bas. Je voulais mourir, avant de me lever. Je ne pouvais plus supporter l'idée de recommencer la journée. Mais il faut vivre pour voir l’aurore — la terre descellée.
Je me suis assis sur un rocher habituellement écrasé par le jour. Rocher trempé d’aurore. Maculé de ces taches de feu vif orange qui éclaboussent l'horizon. Lichen encore visible le jour, comme ces végétations marines, adhérant aux roches qui attendent l’heure de la marée pour s'épanouir. Un champ de nuages collait au même rocher, de disques noirs et blancs enchevêtrés, durement échoués comme ces tas de nuages pavés, durement tassés, écrasés les uns contre les autres, très bas. Le plafond bas du ciel. L'écorce du ciel qui se fendille. Le rocher brillait extraordinairement. Comme un bloc de ciel. Criblé de lichen orange. Dans le village, au départ. Pierraille
pan de pierres écroulées. Mur dur sourd aveugle au-dessous du bol de feu, muet, de la grande tasse d'eau de l'aube.
Le soc rougi qui laboure la terre.
Lumière aigre de la première lampe au fond du village
au centre des toits.
Valse / Marine
La valse-océan
Dont les cordes meurent dans le vent
Se déchaîne dans les remous
et les manigances du vent
Au bout du port un homme gesticule
Comme une hélice brisée
Le grand espace se renverse
et nous frôle
on va tout recommencer
*
Parages ou tu t’installes comme un citron dans un miroir. De faux visages familiers se renversent en porte-à-faux, déferlent et se recoupent dans les embruns acides, sucrés, acides, dont tu te défais en glissant dans une vague chargée de filaments et d’ailerons en biseau vers la patrie des coquillages.