Nine Months
Nine months
and life grows in the womb
like a poem grows in the imagination
nine months
and a body grows inside another body
nine months
and the wait weaves hope and dreams
nine months
for silence to grow
into a cry
like a loaf of bread arisen
or the round moon
reaching fullness
nine months
for a heart to flutter
inside a heart
nine months
for a life to begin
Like a Duck
Like a duck
you waddle
and take three steps
you cling to my finger
if I release you, you fall again
I pick you up and hum
you walk haltingly
like a duck
you fall and get back up
we try again
we fall, we get up
such is
life
my little rascal
‘til we become horses
galloping
With These Two Hands
With these two hands
I prepare your suitcase
your father tells me
he’s going to take you on a short trip
to a city near the sea
in your suitcase I pack
your finest clothes
for my little one goes to visit the sea
I also pack
cakes you love
a water bottle
and everything you might need
for my little one goes to visit the sea
with these two hands
I seat you in your stroller
happy
for my little one goes to visit the sea
the first night passes
and to this day
my little one’s stroller has never returned
I Came Back Home
I came back home
after a night out with friends
I hurried to be with you again
I gently opened the door
pricking up my ears
in the silence to discover
how deeply you slept
tonight
I came into your room
the bed was quiet
covered with your soul
and yet I swear
I heard you breathing
Do You Remember
Do you remember
that little boy
who lived with his parents near us?
do you remember
when his mother entrusted him to us
to go shopping?
and I’d put you together
to play and babble
do you remember
how quiet and well-behaved he was?
he didn’t even protest
or get annoyed when you took his toys
or leaned on him to stand
his name was Salim
his mother, Josephine, a resigned woman
tasted bitterness, like me
when I heard his father
kidnapped him
stole him away to his grandmother
I cried for him
in that moment
I didn’t know
I was shedding my first tears
for you
I’m Not So Old
I’m not so old
so why
do I feel this way?
why has the hair of my dreams turned white?
why has the brightness of my eyes
turned to ashes?
I’m not so old
so why
can’t I taste the honey of life?
and why has the morning song
I used to hum
gone silent?
Five Years After Our Encounter
Five years after our encounter
I walked away from the noise
he followed
sat near me
I dared put my head on his shoulder
I wanted to breathe his air
and recover the faded smell of his childhood
I took his sweaty, sticky
hands in mine
he started to count my fingers
for him I had a thousand
in the disquieting silence
except for the chatter of his heart
and breath
he asked in a trembling voice
are you afraid to love me?
how can a woman like me
be afraid to love
when within her live
all roads
all songs
all the kisses
all the smiles?
I answered
yes
he nodded
smiling
so the words all fell around us
like the feathers of a wounded bird
he answered
me too
Neuf mois
Neuf mois
et la vie pousse dans les entrailles
comme un poème pousse dans l’imagination
neuf mois
et un corps grandit dans un autre corps
neuf mois
et l’attente tricote l’espoir et le rêve
neuf mois
pour que le silence grandisse
jusqu’au cri
comme une miche de pain qui a levé
comme la lune ronde et pleine
arrivée à son terme
neuf mois
pour qu’un cœur palpite
dans un cœur
neuf mois
pour qu’une vie commence
Comme un canard
Comme un canard
tu te dandines
et fais trois pas
tu t’accroches à mon doigt
si je te lâche, tu retombes
je te relève et je chantonne
tu marches en hésitant
comme un canard
tu tombes et te relèves
on réessaye
on tombe, on se relève
c’est ainsi
la vie
mon petit galopin
jusqu’à devenir chevaux
galopants
Avec ces deux mains
Avec ces deux mains
je t’ai préparé ta valise
ton père m’a dit
qu’il allait t’emmener pour un court voyage
dans une ville près de la mer
dans ta valise j’ai mis
tes plus beaux vêtements
car mon petit va se promener à la mer
je t’ai mis aussi
les gâteaux que tu aimes
une bouteille d’eau
et tout ce dont tu pourrais avoir besoin
car mon petit va se promener à la mer
avec ces deux mains
je t’ai déposé dans ta poussette
heureuse
car mon petit va se promener à la mer
le premier soir a passé
et jusqu’à ce jour
la poussette de mon petit n’est pas revenue
Je suis revenue à la maison
Je suis revenue à la maison
après une soirée avec des amis
je me suis dépêchée pour te retrouver
j’ai ouvert doucement la porte
en tendant l’oreille
pour découvrir dans le silence
que tu dormais d’un sommeil profond
ce soir
je suis rentrée dans ta chambre
le lit était calme
couvert de ton âme
et pourtant je jure
que j’ai entendu ta respiration
Tu te rappelles
Tu te rappelles
ce petit garçon
qui vivait avec ses parents près de chez nous ?
tu te rappelles
quand sa maman nous le confiait
pour faire ses courses ?
alors, je vous mettais ensemble
à jouer et babiller
tu te rappelles
comme il était calme et sage ?
il ne protestait même pas
ni ne s’énervait quand tu prenais ses jouets
ou quand tu t’appuyais sur lui pour te mettre debout
il s’appelait Salim
sa maman, Joséphine, une femme résignée
elle a goûté comme moi l’amertume
quand j’ai su que son père
l’avait kidnappé
le jetant au loin chez la grand-mère
j’ai pleuré pour lui
je ne savais pas à ce moment-là
que je versais mes premières larmes
sur toi
Je ne suis pas si vieille
Je ne suis pas si vieille
alors pourquoi
est-ce que je me sens ainsi ?
pourquoi les cheveux de mes rêves ont-ils blanchi ?
pourquoi l’éclat de mes yeux
s’est-il changé en cendres ?
je ne suis pas si vieille
alors pourquoi
est-ce que je ne trouve plus goût de miel à la vie ?
et pourquoi la chanson du matin
que j’avais l’habitude de fredonner
s’est-elle changée en silence ?
Cinq ans après notre rencontre
Cinq ans après notre rencontre
je me suis éloignée du bruit
il m’a suivie
il s’est assis près de moi
j’ai osé mettre ma tête sur son épaule
je voulais respirer son air
et retrouver l’odeur évanouie de son enfance
j’ai pris ses mains dans les miennes
elles étaient moites et collantes
il a commencé à compter mes doigts
pour lui j’en avais mille
dans un silence perturbant
excepté le bavardage de son cœur
et de sa respiration
il m’interroge de sa voix tremblante :
as-tu peur de m’aimer ?
comment une femme comme moi
peut-elle avoir peur d’aimer
elle en qui vivent
tous les chemins
toutes les chansons
tous les baisers
tous les sourires ?
j’ai répondu :
« oui »
il a hoché la tête
souriant
pour que tous les mots tombent autour de nous
comme les plumes d’un oiseau blessé
il m’a répondu :
« moi aussi »
(Editions Bruno Doucey, 2015)